Revictimisation

 

UNE RÉALITÉ

 

 

Selon une étude menée à Toronto, 70% des femmes ayant subi des sévices sexuels dans l’enfance ont été sexuellement agressées après l’âge de 16 ans. La proportion est de 45% pour les victimes adultes qui n’ont pas connu de violence sexuelle dans l’enfance².

 

Le problème de la revictimisation a été peu analysé jusqu’à maintenant. Les intervenants et intervenantes sur le terrain le constatent régulièrement. La revictimisation est un phénomène complexe qui comporte quantité de facteurs de causalité.

 

Dans son étude, Russell révèle que 68% des victimes d’inceste ont été plus tard victimes de viol ou de tentative de viol par une personne n’ayant aucun lien de parenté, contre 38% chez les femmes qui n’avaient jamais été victimes d’inceste [Russel, 1986]. L’étude de Russell est une des premières à établir de façon empirique, en se basant sur un échantillon aléatoire de femmes, que l’expérience de l’agression à caractère sexuel dans l’enfance augmente la probabilité de revictimisation sexuelle plus tard dans la vie. D’autres auteurs² démontrent clairement que les femmes ayant été agressées sexuellement dans leur enfance courent plus de risques d’être revictimisées de nouveau à l’âge adulte.

 

Une autre recherche américaine [Agenton, 1983] rapporte que pour les adolescentes ayant été agressées sexuellement dans l’année précédente, le risque d’une autre agression dans l’année est de trois à quatre fois plus élevé que chez l’ensemble des adolescentes.

 

Des auteurs émettent l’hypothèse que ce n’est peut-être pas tant l’inceste que l’expérience de viol ou le fait que l’une ou l’autre des formes d’agressions aient eu lieu à plusieurs reprises qui détermine la revictimisation sexuelle plus tard dans la vie².

 

Les quelques explications proposées supposent qu’il y a quelque chose dans l’expérience de la violence sexuelle subie dans l’enfance qui rend la femme moins capable de se protéger par la suite.

 

Mais la reconnaissance de la « revictimisation » nous place devant certains dilemmes :

 

  • Cette approche laisse entendre qu’il appartient aux femmes de développer leur capacité à affronter le danger, à déceler les signes précurseurs de l’agression, à tracer des limites infranchissables et à se protéger elles-mêmes contre l’agression sexuelle.
  • On tient pour acquis que ces stratégies de survie sont un élément normal de la capacité des femmes à fonctionner dans la société.
  • La question fondamentale reste cachée : quelle est exactement la source de ce danger omniprésent dont les femmes sont censées se prémunir? La revictimisation ne serait pas possible si nous ne vivions pas dans une société où un nombre élevé d’hommes sont portés à agresser et à violenter sexuellement les femmes.

 

 

Source : 1) Gouvernement du Québec, Les agressions sexuelles : STOP, 1995     2) Un nouvel horizon : Éliminer la violence — Atteindre l’égalité, rapport final, Comité canadien sur la violence faite aux femmes, Ottawa, Groupe Communication Canada Édition, 1993