Soutien aux proches

 

 

BOULEVERSEMENTS CHEZ LES PROCHES DES PERSONNES AFFLIGÉS PAR UN TRAUMA¹

 

La plupart des ouvrages traitant de l’épreuve traumatisante se concentrent sur les répercussions psychologiques observées essentiellement chez les personnes traumatisées.  Or, leurs proches sont également sujets à être atteints de façon tout aussi importante par l’évènement où se sont entrecroisées la frayeur, la terreur et même, dans certains cas, la possibilité de perdre la vie. Que ce soit des membres de la famille immédiate ou éloignée, des amis de longue date ou des collègues de travail, tous sont susceptibles de ressentir non seulement de l’impuissance face à l’état psychologique de la principale victime concernée, mais également de l’incompréhension quant aux réactions qu’elle peut avoir. On arrive à comprendre assez facilement lorsqu’on prend un moment pour nous mettre à leur place. Du jour au lendemain, le sort frappe un proche qui acquiert des peurs, des angoisses et qui voit même sa façon de penser et d’agir se modifier sensiblement. Au début, il peut être relativement facile de comprendre la détresse du principal intéressé, de même que ses craintes d’affronter certaines situations ainsi que son envie de s’isoler. Mais si, malgré le temps qui s’écoule, les paroles et les gestes de réconfort qu’on peut lui exprimer, celui-ci continue d’être habité par la peur, la honte et le découragement, il est à prévoir que plusieurs de ceux et celles qui l’entourent se sentiront mal à l’aise au point de vouloir le provoquer à passer à autre chose. (...).

 

Il est donc important de toujours se souvenir que les proches des personnes affligés par un trauma d’importance sont elles aussi appelées à vivre des conflits, des ruptures ou des remises en question de toutes sortes dans leurs vies. Le bouleversement intérieur qu’entraîne une situation traumatisante risque même, dans certains cas, d’affecter la communication entre les gens, ainsi que les relations sociales de chacun de ceux et celles qui connaissent de près ou de loin la principale personne concernée. 

 

PRENDRE SOIN DE VOUS²

Voici quelques réflexions et  conseils  que l’on peut trouver dans le livre, de Pascale Brillon, « Se relever d’un traumatisme- Réapprendre à vivre et à faire confiance ».

 

Vos réactions face à l’évènement traumatique

 

Personne ne reste indifférent à un proche qui subit un traumatisme. Cela ébranle, bouleverse, dérange... Peut-être êtes-vous révolté (...). Il se peut que vous ayez peur (...). Vous êtes peut-être dégoûté, surtout s’il s’agit d’un évènement à caractère sexuel. Peut-être vous sentez-vous coupable ou responsable (...). Dans tous les cas, l’évènement traumatique provoque une remise en question (...). Il ne fait pas qu’affecter la victime, il a des répercussions sur son entourage (...).

 

Chose certaine, vous aimez la victime. Malheureusement, celle-ci vit pour le moment des symptômes graves. Elle est en détresse et vous la sentez souffrir. Elle est  bouleversée et cela vous bouleverse. Vous vous sentez touché par sa détresse, ému de la voir à ce point ébranlée. Probablement vous sentez-vous aussi très démuni, impuissant à l’aider, à la « sortir delà ». Vous ne savez pas quoi lui dire et vos vous sentez maladroit.

 

Il est possible que vous soyez en colère contre elle. En colère face à ce qui lui est arrivé ou face à ce qu’elle fait maintenant. (...) « Pourquoi avait-elle besoins d’aller là? », (...), « Cela bouleverse toute notre vie et c’est encore moi qui dois m’occuper de tout! », « On dirait qu’elle ne fait rien pour s’aider ».

 

Il se peut par ailleurs que vous soyez agacé de voir à quel point cela modifie votre quotidien. Une victime qui souffre de symptômes post-traumatiques ne peut plus faire grand-chose dans une maison. Ses symptômes affectent souvent profondément le rythme de vie de la maisonnée, les finances, le niveau de stress, l’atmosphère et même les projets de vacances. Sans compter que les relations avec elles sont souvent extrêmement perturbées : vous côtoyez maintenant quelqu’un qui est en détresse, qui est souvent irritable et à prendre avec des gants blancs, quelqu’un qui a peur de tout ou qui est très déprimé. Les relations sexuelles en sont peut-être affectées : la victime a peur de l’intimité, elle n’a plus de désir, repousse vos avances ou s’isole. Elle peut être étonnamment froide avec vous ou avec ses enfants. Elle peut même vous dire qu’elle se sent incapable d’avoir des sentiments tendres à votre égard. Rien pour vous rassurer ni pour vous rapprocher d’elle...

 

Vous aurez tendance à blâmer la victime. Pourquoi?

 

Plusieurs études ont mis en évidence le fait que l’entourage blâme fréquemment les victimes de ce qui leur est arrivé. Pourquoi? Comment expliquer que les autres blâment la victime d’un viol, d’une agression physique ou d’un accident? En fait, nous savons que le fait de blâmer a une fonction protectrice pour l’entourage : inconsciemment, cela vous permet de continuer à croire que le monde est un endroit sûr et prévisible, donc à vous sentir en confiance et en sécurité.

 

Si vous considérez que ce sont ses comportements avant l’évènement ou certains traits de sa personnalité qui sont responsables du traumatisme, vous conserverez l’impression qu’un tel évènement ne peut pas vous arriver à vous, par ce que « vous (« au contraire de la victime ») n’avez rien fait ou n’avez pas la même personnalité pour entraîner un évènement pareil... ».

 

Ce processus est inconscient. Il est souvent trop difficile de penser que cela aurait très bien pu nous arriver et que cela peut nous arriver dans le futur, quoi que nous fassions... Attribuer l’évènement traumatique au hasard ou à la société, voilà une explication très sécurisante pour la majorité des gens. Cela implique en effet qu’un tel évènement puisse arriver à n’importe qui, peu importe ce qu’on fait ou ce qu’on est. Il s’agit aussi d’une explication insécurisant parce qu’elle ébranle la vision d’un monde bon et juste. Non, le monde n’est pas totalement bon et des évènements traumatiques peuvent arriver à n’importe qui, n’importe quand. Il faut accepter que, malheureusement, certaines choses restent hors de notre contrôle... (...).

 

Ne tentez pas de « sauver » la victime

 

Il est très difficile de voir quelqu’un que l’on aime souffrir près de soi. Vous pouvez faire beaucoup pour l’aider, mais vous devez être conscient que certaines choses ne peuvent être faites que par la victime. Par exemple, vous ne pouvez pas être en osmose avec sa souffrance. Vous ne pouvez pas non plus lui enlever cette épreuve et prendre sur vous sa détresse. Si vous êtes très efficace dans votre quotidien, si vous avez souvent un rôle de confident ou d’aidant dans votre vie privée ou dans votre vie professionnelle, si vous êtes souvent celui ou celle « sur qui on peut compter », méfiez-vous de votre tendance à prendre le rôle du sauveur avec la victime. Cette attitude pourrait vous brûler parce que, malgré toute vote bonne volonté, vous ne pourrez pas faire en sorte que la victime se sorte plus facilement de sont état. Il est important de ne pas oublier que nous n’êtes pas responsable de sont état et que vous n’avez pas la responsabilité de diminuer ses symptômes. Vous pouvez l’accompagner dans son processus, mais vous ne pourrez pas prendre son fardeau sur vos épaules.

 

Manifestez votre détresse face à ce que la victime a vécu

 

Vous trouvez que l’évènement est injuste? Méchant? Illégitime? Violent? Vous vous sentez révolté de ce qui s’est produit? Vous avez peur pour elle ou pour vous qu’il se reproduise? Il a bouleversé des conceptions importantes sur la vie, sur les gens? Vous vous sentez coupable ou responsable de ce qui s‘est produit? Pourquoi ne pas dire à la victime ce que vous ressentez? Pourquoi ne pas lui partager ce qu’il vous a fait vivre? Vous n’avez pas à vivre ces émotions seul et il est possible que le fait de les partager avec elle vous rapproche. Par contre l’objectif n’est pas ici de demander à la victime de vous prendre en charge. Il s’agit plutôt d’un témoignage concernant ce que l’évènement a provoqué chez vous sur le plan émotif. Il ne sert pas à grand- chose d’être en tout temps le «roc inébranlable auquel elle pourra toujours se fier » si vous vous sentez ébranlé de ce qui s’est passé. Lui dire ce que vous ressentez pourrait lui faire du bien et vous rapprocher tous les deux. Par contre, si vous sentez la victime trop fragile ou que vous êtes trop mal à l’aise pour vous confier à elle, exprimez ce que vous ressentez à une tierce personne : un ami ou un professionnel. L’important, c’est que vous puissiez, vous aussi, recevoir du soutien parce que l’évènement n’affecte pas seulement la victime elle-même, il touche également son entourage.

Vous pouvez lui exprimer ce que votre nouveau mode de vie vous fait vivre. Ce qui est difficile, c’est le faire sans pression et sans reproches. Préférez des phrases commençant par le « je » et non le « tu ». (…) Cela favorise un ton de confidence plutôt qu’un ton accusateur et blâmant.

 

Tentez de faire en sorte que votre quotidien soit vivable

 

N’attendez pas que tout soit comme avant tout de suite. Reconnaissez que, pour un bout de temps, ce ne sera pas le cas, et demandez-vous comment vous pouvez vous organiser en conséquence. Qu’allez-vous faire? Comment vous organiser pour que vous puissiez le mieux possible traverser cette tempête? Comment pouvez-vous garder votre santé mentale? Votre énergie? Votre joie de vivre? Faites attention de ne pas tout prendre en main, car vous développerez à a longue de la rancœur et de l’amertume envers la victime et vous la blâmerez en retour. Laissez-la s’impliquer dans la résolution des problèmes quotidiens de la maisonnée. Laissez-lui faire sa part des tâches ménagères si cela lui est possible, sinon envisagez une solution de rechange. En fait, tentez d’envisager les solutions qui pourraient améliorer votre quotidien et vous permettre de supporter cette période difficile. Facilitez-vous la vie.

 

Enfin, n’oubliez pas de prendre soin de vous

 

Accompagner une victime de traumatisme est une entreprise à long terme. Cela ne veut pas dire que ce sera permanent, mais ce n’est certes pas un sprint, c’est un marathon : une entreprise qui prend un niveau moyen d’énergie mass sur une longue période. Conséquemment, ménagez-vous. Réservez-vous du temps. Faites des activités de loisirs. Ressourcez-vous. Il ne s’agit pas ici de « délaisser » la victime, mais de réaliser que si vous voulez être là pour elle à long terme, vous devez ménagez votre monture. Sinon, vous serez tous les deux en détresse. La victime a besoin de savoir que vous vous ressourcez, que vous êtes capable d’avoir du plaisir, même si ce n’est pas avec elle. Cela peut lui donner un bon exemple et l’aider à réaliser qu’il est encore possible d’être heureux. Quand elle aura besoin de vous, elle vous sentira dispos, reposé et capable d’être à l’écoute. Le « pire  service » que vous puissiez lui rendre consisterait à vous épuiser parce que vous l’avez trop aidée ou parce que vous avez tenté de prendre toutes les responsabilités sur vos épaules. Vous vous retrouveriez alors avec deux problèmes plutôt qu’un. C’est inutile. Ménagez-vous!

 

1) Donnini, Évelyne, Quand la peur prend les commandes- Comprendre et surmonter le traumatisme psychologique, Éd. de l’Homme, 2007

2) Brillon, Pascale, Se relever d’un traumatisme- Réapprendre à vivre et à faire confiance, Éd. Quebecor, 2004