Cycle de l'agression/la violence

 

CYCLE DE L’AGRESSION¹-²

 

Quelle que soit la raison qui pousse une personne à choisir une victime et à commettre une agression, il est important de comprendre que cet acte n’était pas un simple « accident ». Il ne s’est pas produit « par hasard ». L’agresseur n’en était peut-être pas conscient sur le moment, mais il a franchi plusieurs étapes avant de commettre cette agression sexuelle. D’ailleurs, ce n’était peut-être pas la première fois que cette personne agressait sexuellement une autre personne. C’est la même chose si elle a songé à plusieurs reprises à commettre une agression sexuelle.

 

Il est normal qu’une personne ait des pensées ou des désirs sexuels. La sexualité fait partie de la vie et est un élément sain et normal. Le problème est lorsque la personne franchit la ligne qui sépare les relations sexuelles saines de celles qui causent du tort et donc, fait du mal à quelqu’un.

 

LE CYCLE DE L'ABUS SEXUEL

 

Le schéma présenté à la fin du texte illustre les étapes typiques qui amènent une personne à commettre une agression sexuelle et même à récidiver. Ce «cycle de l'agression sexuelle» aide à comprendre certaines pensées ou sentiments qui poussent l’agresseur à  poser ce geste.

 

L'abus sexuel à l'égard d'un enfant (ou d’un adulte) ne se fait pas «par hasard». Le parcours qui mène une personne à commettre ce geste comporte un certain nombre de décisions et beaucoup de raisonnements servant à l’excuser ou à le justifier.

 

1.      Fantasmes de pouvoir et de domination, idées et sentiments déviants

 

C'est généralement la première étape du cycle. Certain-e-s agresseur-e-s sont d'abord envahi-e-s par un incontrôlable sentiment de désespoir, de colère, d'impuissance ou de dépression. Ils choisissent de réagir à ces sentiments en faisant du mal, au lieu de les affronter de façon responsable.

Chez d'autres, cela commence par des fantasmes de relations sexuelles. Si dans les pensées ou les fantasmes sexuels d’une personne, il y a souvent de la violence, de la ruse ou d’autres formes de tromperies, si des personnes plus jeunes ou plus faibles sont souvent présentes dans ces fantasmes, la personne est déjà engagée dans le « cycle de l’agression sexuelle ». Si elle se masturbe pendant qu’elle a ces pensées ou fantasmes, c’est le signe qu’elle risque de passer aux actes et de commettre ce qu’elle ne faisait qu’imaginer jusqu’à maintenant.

 

Le cycle peut même s'enclencher sans que l’agresseur-e s’en rende compte. Sans y penser, il/elle prend plusieurs décisions petites mais importantes ou a recours à des justifications qui représentent tout de même le début de son comportement déviant.

 

Au début, il/elle n’a pas l'impression d'avancer beaucoup, mais, tout à coup, il/elle se trouve dans une situation où il/elle est vulnérable, incapable de se dominer et les événements le/la dépassent. On pourrait comparer cela à un-e alcoolique qui prend sa voiture après une journée de travail très fatigante et qui se trompe de route «par inadvertance» pour se retrouver   soudainement devant le bar local. Comme il/elle s'est «trompé-e», il/elledécide de prendre un «petit apéritif», bien résolu à rentrer à la maison à l'heure habituelle. Plusieurs heures plus tard, il/elle revient à lui/elle dans le même bar. Il/elle était tombé-e ivre mort-e.

 

2.      Décider de commettre une agression sexuelle

 

Peu importe comment un-e agresseur-e  explique l'agression sexuelle, il-elle commet un tel acte que si il/elle le décide. Les agresseur-e-s qui se font prendre disent parfois qu'ils/elles n'avaient pas l'intention de faire du mal et qu'ils/elles n'ont simplement pas pu se retenir (ou se sont laissé-e-s emporter en jouant avec l’enfant ou en le chatouillant). Même si c'était vrai, il/elle a quand même pris la décision de ne pas s'arrêter!

Penses-y un peu! Si l’agresseur-e dit qu’il/elle n’a pas décidé de commettre une agression sexuelle et que c'était un «accident», il-elle admet qu’il/elle ne peut pas se contrôler, ce qui devrait l'inquiéter encore plus sur sa façon de se comporter. C'est pareil pour les agresseur-e-s qui disent avoir été en boisson ou drogué-e-s au moment de l'agression. Aussi difficile que ce à soit admettre, il/elle a bel et bien pris la décision d'agresser quelqu'un.

 

3.      Surmonter les obstacles personnels et sociaux

 

Avant de commettre une agression sexuelle, il a fallu que l’agresseur-e surmonte certains obstacles qui empêcheraient normalement la plupart des gens de faire ce qu’il/elle a fait. Entre autres choses, il/elle n’a pas écouté sa conscience, il/elle a passé par-dessus les sentiments ou la douleur de la victime, il/elle n’a pas eu peur de la loi, ni de se faire prendre; si il/elle gardait un enfant, il/elle n’a pas assumé les responsabilités à l'égard de la victime, plus jeune ou plus faible que lui/qu’elle.

 

La plupart des adultes n'abusent jamais sexuellement des enfants. Pourquoi? Parce qu'ils respectent la vie privée et les limites de cet enfant et qu'ils obéissent aux tabous sociaux concernant les relations sexuelles entre adultes et enfants. La personne qui s'en prend aux enfants franchit ces limites. Il faut généralement beaucoup de raisonnements justificateurs et d'excuses pour surmonter la culpabilité que la plupart des adultes ressentiraient à  l'idée de faire du tort à un enfant. Il/elle se  persuade sans doute que son geste ne fera aucun mal à l'enfant. Il/elle doit aussi faire abstraction de la responsabilité que la plupart des adultes ressentent à  l'égard du bien-être et de la sécurité des enfants et étouffer sa  crainte d' être pris-e et puni-e.

 

4.      Planifier l'infraction

Puis, il lui a fallu trouver une occasion de commettre cette agression sexuelle. En d'autres mots, il/elle a choisi une personne à agresser et s'est arrangé-e pour se trouver seul-e avec elle. Ensuite, il a fallu convaincre cette personne de le laisser faire (manipuler, menacer ou forcer cette personne) et trouver suffisamment de temps pour l'agresser. Pour accomplir tout ça, il faut réfléchir et planifier.

 

Dans le cas d’un enfant, certains adultes «préparent» leur victime progressivement sur une longue période, en agissant comme un-e «ami-e», en l'amenant au cinéma, en lui offrant des cadeaux et en l'inondant d'attention et d'affection. En général, l'enfant ne se méfie de rien, jusqu'au moment où on lui demande de faire quelque chose qui lui est très pénible. Même alors, par trouble ou peut-être par crainte, il se laissera faire simplement pour éviter de perdre l’attention de son agresseur. D'autres adultes procèdent plus rapidement et forcent ni plus ni moins l'enfant à s'engager dans une activité sexuelle.

 

5.      Commettre l'infraction

 

Puis, il/elle a commis une agression sexuelle.

Après avoir agressé une personne/abusé un enfant, l’agresseur-e se sent peut- être moins tendu-e ou moins excité-e pendant une brève période. Mais cela ne dure généralement pas. La plupart des adultes ne tardent pas à se sentir honteux et coupables de leur comportement. Pour faire face à ces sentiments ou pour éviter de reconnaître leur responsabilité s'ils sont pris, la plupart des agresseurs nient l'infraction ou minimisent leur responsabilité.

 

6. Nier et minimiser

 

Après l'agression, il/elle a pu se sentir coupable. Il/elle a peut-être été déprimé-e ou a eu honte. Ces sentiments sont déplaisants et ont pu l'amener à se sentir mal et même à se détester. Pour y échapper, il/elle a pu s'imaginer qu’il/elle avait du pouvoir ou il/elle s’est laissé-e aller à des pensées ou à des fantasmes sexuels dans lesquels il-elle agressait encore quelqu'un. Ces pensées et fantasmes dans lesquels il y a agression sont appelés «déviants». Échapper à la réalité en se plongeant dans des pensées ou des fantasmes déviants empêche l’agresseur-e d’affronter ses vrais problèmes.

 

Nier revient à dire que l'infraction n'a pas eu lieu et que la victime ou les témoins mentent sur ce qui s'est passé. En minimisant son geste, l’agresseur-e ne le nie pas complètement, mais il/elle cherche à réduire sa part de responsabilité.

 

Ces réactions sont naturelles, mais elles peuvent ralentir son processus de réhabilitation. Les adultes qui abusent, d'une façon générale, refusent de faire face à la gêne, à la colère, ou à la déception de leur famille, de leurs voisins et de leurs collègues de travail qui pourraient être mis au courant. Ses amis et ses proches ne voudront peut- être pas savoir ce qu’il/elle  a fait. Dans leur ignorance, ils l’appuieront lorsqu’il/elle niera et minimisera son geste, plutôt que de croire qu’il/elle a abusé d’un enfant. Par contre, l’agresseur-e n'arrivera jamais à comprendre son comportement ni à élaborer un plan d'action pour éviter de faire encore du tort à un enfant (ou à un-e adulte), s’il/elle n'accepte pas l'entière responsabilité de ses gestes. En niant l'infraction, cela nuit à l’agresseur-e et à la victime. Si il/elle persiste à nier, même après qu'un tribunal l’a déclaré-e coupable, il/elle fait du tort à sa victime une deuxième fois!

 

Un autre moyen de nier ou de minimiser son comportement consiste à entretenir des idées fausses. Ce sont les justifications ou les excuses que l’agresseur-e trouve pour s’aider à surmonter ses sentiments négatifs ou pour éviter d'accepter la responsabilité de ses gestes. Ces mêmes idées fausses rendent possible le fait d'abuser sexuellement d’un enfant (d’un-e adulte). Elles aident l’agresseur-e à faire abstraction des sentiments de l'enfant, à surmonter sa résistance et à transformer «l'abus sexuel» en «un simple jeu», en «une manifestation d'affection» ou quelque chose d'autre. Certains adultes diront que l'enfant «a couru après», qu'il n'a pas dit «non» ou «arrête», ou encore qu'il «s'est assis sur leurs genoux exprès», tout cela pour excuser leur comportement. L’agresseur-e doit comprendre qu'aucun enfant ne «recherche» des relations sexuelles ni ne mérite qu'on lui fasse du mal de la sorte. En tant qu'adulte, il/elle est  le/la  seul-e responsable.

 

7.      Sentiments de honte et de culpabilité

 

Après l'agression, il/elle a pu éprouver de la difficulté à faire face aux sentiments de honte, de culpabilité et de colère, et il/elle a peut-être renversé la situation en blâmant la victime pour son malaise. Ceci risque de l'amener à s'en prendre à nouveau à la victime ou à quelqu'un d'autre.

 

Les adultes qui abusent sexuellement des enfants sont en général envahis par un profond malaise au sujet de ce qu'ils ont fait. Certains s'inquiètent véritablement pour l'enfant, mais d'autres craignent plutôt les conséquences qui pourraient survenir s'ils étaient pris. Quelles que soient leurs origines, ces inquiétudes peuvent le déprimer. Or, c'est généralement lorsque les abuseurs sont inquiets, stressés ou déprimés qu'ils commencent avoir des fantasmes à propos d'enfants. Ils peuvent facilement tomber dans ce cercle vicieux s’ils ne décident pas d'y mettre un terme et d'adopter de nouveaux moyens qui leur permettront d'affronter ces sentiments, pensées ou fantasmes d'une autre façon.

 

8. Fausses promesses

 

 

Lorsqu’il/elle ressent des sentiments de culpabilité et de honte après une agression, il/elle a tendance à se promettre et à promettre aux autres qu’il/elle ne recommencera jamais. Toutefois, le fait de dire qu’il/elle ne recommencera pas n'est pas une garantie.  Ces promesses ne lui servent qu'à surmonter le sentiment de culpabilité sur le moment. À moins de comprendre pourquoi il/elle a fait cela, à moins de comprendre le «cycle de l'agression sexuelle» et les erreurs de jugement qu’il/elle a commises en «niant» et en «minimisant» la portée de ses actes, il/elle risque d'agresser à nouveau. C'est pourquoi il est important qu’il/elle prenne la décision de réagir et de demander l'aide d'un thérapeute.

 

 

 

Source : Extrait, adapté de  1) Mathews, Frederick, Rompre le silence-Faire naître l’espoir, Gouvernement du Canada, Ministre des Approvisionnements et Services, 1995. Document original PDF disponible ci-dessous. 2) Mathews, Frederick et Frappier, Jean-Yves, Décider de réagir : les adolescents et les agressions sexuelles, Gouvernement du Canada, Ministre des Approvisionnements et Services, 1995. Document original PDF disponible ci-dessous.

 

Télécharger
ROMPRE LE SILENCE - FAIRE NAÎTRE L'ESPOIR
Texte sur le cycle de l'agression Homme adulte
romprelesilence.pdf
Document Adobe Acrobat 211.3 KB
Télécharger
DÉCIDER DE RÉAGIR: LES ADOLESCENTS ET LES AGRESSIONS SEXUELLES
Texte s’adressant à des adolescents agresseurs et expliquant le cycle des agressions.
deciderdereagir.pdf
Document Adobe Acrobat 190.4 KB