Soutien - victimes

 

 

« Les proches ont un rôle important à jouer auprès d’une victime. Ils peuvent grandement l’aider à composer avec les conséquences d’une agression sexuelle, tout comme ils peuvent amplifier son sentiment de culpabilité et de honte. Les réactions de l’entourage de la victime influent sur le processus de récupération »¹.

 

Par votre soutien et votre compréhension, vous avez une place importante dans le processus de rétablissement d’une victime d’agression sexuelle. Il est donc important d’aller chercher du soutien, de vous informer et d’adopter des attitudes qui sont bénéfiques pour la victime.

 

 

LES RÉACTIONS DES PROCHES¹

 

Le soutien des amis, du conjoint ou de la conjointe, tout comme leurs réactions et leurs attitudes, constituent des éléments importants du processus de récupération de la victime adulte.

 

Durant la phase aiguë, certaines victimes disent recevoir de leur entourage soutien, aide et compréhension. Parfois, l’attitude du ou de la partenaire et de l’entourage sera la surprotection de la victime, ce qui, dans un premier temps, peut convenir à certaines victimes, puisque cette dépendance les rassure et leur permet de poursuivre leurs occupations; mais d’autres peuvent en être incommodées. Certaines victimes, au contraire, ne reçoivent aucun soutien de leur entourage, sont plutôt blâmées ou se sentent rejetées.

 

Durant cette période, la victime est sensible à l’attitude des autres à son égard. Aux prises avec ses propres valeurs et sa conception de l’agression, préoccupée par l’ampleur de ses émotions et s’interrogeant sur les moyens qu’elle aurait pu prendre pour éviter l’agression, elle devient extrêmement sensible aux jugements ou aux propos que peuvent tenir les autres sur ce qu’elle a fait ou aurait dû faire, ou sur les réactions qu’elle manifeste. Elle hésite donc parfois à parler de l’agression et de ses conséquences.

 

Des victimes qui ont un lien de compréhension mutuelle avec leur partenaire reconnaissent les bienfaits du dialogue avec celui-ci. D’autres préfèrent se taire et tenter d’oublier l’événement. Se sentant souvent impuissant devant la détresse de sa partenaire, le conjoint peut être d’accord avec le fait qu’elle tente d’oublier. Il évite donc autant que possible de la questionner sur son état. Cette situation peut rompre la communication et isoler la victime parce qu’elle l’empêche de verbaliser ses sentiments.

 

Lorsque les symptômes persistent au-delà de quelques semaines, le conjoint, la conjointe ou les membres de la famille peuvent perdre patience et devenir plus exigeants envers la victime, ce qui ne l’aide pas.

 

COMMENT AIDER UNE VICTIME D’AGRESSION SEXUELLE?²

Besoins

La personne connaît ses propres besoins, nous n'avons qu'à écouter ce qu'elle nomme comme besoins et comme peurs, car sous les peurs se cachent souvent des besoins. Cependant, il lui est parfois difficile de les exprimer car elle est bouleversée, en crise ou alors parce qu'elle ne connaît pas les ressources, ses droits et ses recours. Notre rôle est alors de l'aider à exprimer ses besoins et de lui faire connaître les ressources, ses droits et ses recours.

Les besoins varient d'une personne à l'autre; toutefois, ceux nommés ci-dessous sont communs chez la majorité des victimes mais ne constituent pas une liste exhaustive: 

  • Être crue
  • Être écoutée
  • Pleurer, crier ou garder le silence
  • Être déculpabilisée
  • Être normalisée dans ses réactions
  • Que ses attentes soient vérifiées
  • Être appuyée et soutenue
  • Être respectée dans son rythme
  • Être sécurisée, encadrée
  • Reprendre du pouvoir sur sa vie
  • Connaître les ressources

 

Émotions / Réactions

Tout comme pour les besoins, la personne vous nommera les bouleversements qu'elle subit suite à l'agression. Voici une liste non exhaustive des réactions les plus fréquentes :

 

  • Pleurs, cris, rires nerveux, tremblements, sursauts, palpitations, douleurs ou tensions musculaires, insomnie, cauchemars
  • Ébauche de nombreuses hypothèses pour savoir ce qui s'est passé.
  • Impression de devenir folle.
  • Dépression.
  • Idées suicidaires, tentatives de suicide.
  • Phobies de toutes sortes.
  • Difficultés de mémoire, de concentration.
  • Perte d'estime et de confiance en soi.
  • Méfiance et peur, même envers les personnes qu'elle connaît
  • Sentiment d'impuissance, de dégoût envers les hommes (dans le cas où l'agresseur est un homme) ou le monde en général
  • Sentiment que son avenir est fini : elle pense que sa vie est terminée, qu'elle ne pourra pas avoir d'enfants ou entreprendre une carrière, etc.
  • Se sentir différente des autres.
  • Avoir tendance à s'isoler ou, au contraire, rechercher constamment la présence des autres pour ne pas être seule.
  • Difficultés à entrer en relation avec des inconnu-e-s ou à maintenir les liens.
  • Éviter la sexualité, compulsion sexuelle ou éprouver des difficultés sexuelles. Manquer d'énergie ou besoin d'être toujours en mouvement.
  • Manquer d'énergie ou besoin d'être toujours en mouvement.
  • Ne plus avoir conscience de ce qui se passe autour d'elle.
  • Conception du monde bouleversée : il y a avant l'agression et après.
  • Parler beaucoup de l'agression vécue à plusieurs personnes (même des inconnu-e-s rencontré-e-s dans l'autobus par exemple) ou alors éviter d'en parler.
  • Vouloir passer à autre chose rapidement.
  • Difficultés à continuer à aller à l'école, à travailler, à prendre soin de soi ou de ses enfants.
  • Restreindre ses déplacements et ses sorties dans l'espoir d'assurer sa sécurité.

Sachez qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises façons de réagir suite à une agression, chaque personne réagit à sa façon.

 

Intervention auprès d'une victime

Quelques ATTITUDES pour l’intervention de base.

Décider de parler de l'agression qu'elle a vécue, qu'elle soit récente ou passée, exige un courage énorme de la part de la victime pour surmonter ses peurs. Votre attitude en tant qu'aidant-e peut être déterminante dans la poursuite de ses démarches.

Ce n'est pas ce que l'on connaît qui fait la différence dans un premier temps, c'est ce que nous adoptons comme attitude.

 

  • Authenticité envers soi-même et la personne dans ce que nous sommes capables d'entendre et de faire.
  • Écoute active et accueil chaleureux.
  • Éviter de faire de la pression à répétition pour qu'elle parle à tout prix de l'agression sexuelle.
  • Accueillir les besoins de la personne et en favoriser l'expression.
  • Adopter une attitude et un ton calmes et sécurisants. La personne a besoin de sentir qu'une personne a la situation en mains, sans tenter de contrôler ses réactions, ses décisions ou ses émotions.
  • Éviter de dramatiser ou de banaliser l'agression. Il s'agit d'un acte criminel (il ne s'agit pas d'un flirt ou d'une erreur), qui entraîne de nombreuses conséquences chez les personnes qui en sont victimes.
  • Favoriser l'expression de toutes ses émotions en les accueillant et en lui disant au besoin qu'elle a le droit d'être triste ou en colère.
  • Valider ses émotions, ses réactions et ses pensées en tenant compte qu'une agression sexuelle a eu lieu.
  • Ne pas juger ni culpabiliser de l'agression sexuelle, des conséquences et des décisions de la personne. Respecter son rythme, ses choix et ses décisions.

 

RÉACTIONS NUISIBLES³

RÉACTIONS AIDANTES³

Juger
Poser des questions directes à la victime. Essayer de lui soutirer des détails. Parler sans arrêt.

Écouter
Écouter ce que la victime a à dire sans porter de jugement.
La laisser s’exprimer dans ses mots, à sa façon, à son rythme.

Douter
Vous montrer sceptique, questionner ce que la victime vous dit.

Croire
Croire ce que la victime vous dit. C’est son vécu et sa
perception. Pour l’instant, vous devez vous centrer sur
ce qu’elle dit et vit.

Banaliser, minimiser ou
au contraire dramatiser.

Recevoir
Recevoir ce que la victime dit sans minimiser ni amplifier
les faits, les émotions, les conséquences.

Souligner ses faiblesses, ce qu’elle aurait pu dire et faire.

Encourager ses forces

Valoriser les «bons coups» de la victime. Souligner ses
forces, son courage d’en parler.

Ignorer
Ne pas vous mêler de l’histoire de la victime sous prétexte que cela ne vous concerne pas, que ce n’est pas votre problème. Ignorer la demande d’aide.

Être supportant

Vous montrer disponible que ce soit pour en parler ou accompagner la victime. Si vous vous sentez incapable de l’aider, il est important de le lui dire et de l’aider à
trouver une autre personne qui sera en mesure de le faire.

Culpabiliser
Blâmer la victime pour ce qu’elle n’a pas fait. Lui laisser entendre qu’elle a dû provoquer, qu’elle a sa part de responsabilité dans ce qui lui est arrivé.

La déculpabiliser

Faire comprendre à la victime que ce n’est pas de sa faute si elle a subi une agression sexuelle. L’agresseur est entièrement responsable de ses actes. Sa responsabilité à elle, c’est de prendre soin d’elle.

Surprotéger
Étouffer, surprotéger la victime en
l’empêchant de sortir, de voir des
amis ou de dormir à l’extérieur de
son domicile.

Favoriser son autonomie

Aider la victime à reprendre du pouvoir sur sa vie, tout en étant présent. Lui donner de l’espace pour respirer, pour reprendre son niveau de fonctionnement habituel.

Tourner la page

Empêcher la victime d’exprimer les émotions négatives qu’elle vit sous prétexte qu’il ne faut pas vivre dans le passé ou que ce n’est pas bon pour elle.

Valider ses émotions

Aider la victime à exprimer ce qu’elle ressent en normalisant ses réactions, émotions et sentiments (colère, rancœur, culpabilité, baisse de l’estime de soi).

 

Pour Évelyne Donnini, il est important pour les proches d’assurer à la victime une grande disponibilité et de lui offrir une présence rassurante lorsque cela devient nécessaire. Il est également propice de la soutenir et de l’encourager en 1) lui faisant part régulièrement de ses progrès et 2) en s’assurant d’agrémenter son vécu quotidien en lui proposant des activités plaisantes qui tiennent compte de son rythme de récupération.

 

 

Dans l’éventualité où vous parvenez difficilement à prendre une distance émotive par rapport au récit de la victime et aux événements vécus, n’hésitez pas à trouver appui auprès de professionnels spécialisés dans l’aide aux victimes d’agression sexuelle.

 

 

Participation des proches à une rencontre en thérapie

 

Dans le cadre d’un traitement psychologique, il peut parfois être indiqué, lorsque le client le réclame, d’inviter certains proches à participer à une rencontre en thérapie. Une séance de ce genre a comme objectif de :

 

·         Transmettre des informations générales sur les réactions conséquentes prévisible à une expérience traumatisante, sur le traitement psychologique qui semble le plus approprié, sur le rôle du professionnel, sur les avantages d’une médication ainsi que sur les objectifs de la thérapie;

·         Répondre aux questions et interrogations que peuvent se poser les proches;

·         Favoriser un lieu d’échange entre la personne traumatisée et les siens;

·         Découvrir la présence de sentiment destructeurs véhiculés par les proches en regard du traumatisme (blâmes, jugements, culpabilité, responsabilité);

·         Diriger les individus vers un professionnel spécialisé en thérapie familiale et  conjugale lorsqu’il se présente des problèmes importants.

 

Une telle rencontre élargie permet souvent à la principale victime et à ses proches de partager des informations utiles qu’ils n’auraient peut-être pu échanger dans un autre contexte. Cette démarche favorise même parfois le rétablissement d’une communication plus saine entre eux. Généralement, cela se déroule de la façon suivante : la victime principale exprime sommairement de quelle façon elle traverse l’épreuve qui l’afflige; au fil des confidences et des informations qui s’échangent, chacun se trouve par la suite beaucoup plus en mesure de déterminer les changements qu’il aura à apporter dans sa façon de faire quotidienne afin de maintenir ou de rétablir une meilleur communication entre les diverses personnes affectées.

 

Il est toutefois prévisible que le ou les proches qui participent à de telles rencontres en sortent habités par toutes sortes de questions du genre : « En tant que proches, est-ce que je dois questionner celui ou celle que j’aimer ou j’apprécie à propos des sentiments personnels qui l’habitent? », « À la suite d’un prochain rendez-vous qu’il aura en privé avec son psychologue ou son médecin, est-il adéquat que je l’interroge sur le contenu de l’entretien qu’il vient d’avoir? », « Jusqu’où dois-je le pousser à affronter les situations qui s’avèrent encore anxiogènes pour lui? », « Par quels gestes ou par quelles paroles puis-je lui signifier mon désir de le soutenir et de  l’encourager? ».

 

Pour répondre à ces questions, rien de tels que de se tourner vers le principal intéressé, car il n’y a pas qu’un seul type de comportement qui soit indiqué dans des cas comme ceux-là. Alors que des victimes interprètent certains de ces questionnements comme des tentatives d’intrusion, d’autres y voient au contraire des formes de soutien privilégiées. Selon sa nature, sa façon d’entrevoir les choses et sa personnalité, les besoins de l’être humain peuvent varier sensiblement lorsqu’il vit un temps de crise intense.



 

 

Sources :

1) Document de formation sur l’intervention psychosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, Régie régionale de la Santé et des Services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2003.

2) Gouvernement du Québec, Guide d’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, Ministère de la santé et des Services sociaux, 2010.

3) Prévention des agressions sexuelles et drogues du viol. Guide de formation, Production de l’Écho des Femmes de la Petite-Patrie, 2005

4) Guide d’accompagnement pour le document vidéo «J’appelle pas ça de l’amour…», Université Laval-1994
Adapté par Chantal Dubois – CALACS-Laurentides in
Guide d’information à l’intention des victimes d’agressions sexuelle

5) Donnini, Évelyne, Quand la peur prend les commandes- Comprendre et surmonter le traumatisme psychologique, Éd. de l’Homme, 2007

 

6) Pouliot, Cynthia, Guide d’information à l’intention des victimes d’agressions sexuelle, Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal, 2007